Petit Poilu.
Petit sauvageon trappé à 4 mois en 2012, tu es toujours resté méfiant, crachant pour maintenir la distance qui te rassurait avec les humains. Tu n'as jamais été adopté. Tu es resté à la maison. Chat copain et complice des autres chats mâles, tu avais tes têtes et les minettes de la maison se méfiaient de toi à juste titre.
J'aurais voulu garder de toi le souvenir de ces douze ans de vie à la maison et dans le jardin avec tes copains, douze années de liberté, de siestes au soleil, de chasse dans le champ derrière.
mai 2024 |
J'aurais voulu détecter cette tumeur qui poussait dans ta tête t'infligeant d'atroces souffrances. Je voudrais oublier nos derniers moments ensemble chez le vétérinaire et ne garder que le souvenir de toi, en forme, coursant Lulu dans le jardin il y a quelques jours.
J'aurais dû comprendre que ton changement de comportement n'était pas normal . Il y a trois semaines tu m'as permis de te caresser pendant que tu mangeais et tu as ronronné. J'étais si heureuse. Douze ans pour que tu me fasses enfin confiance.
Depuis une semaine, tu choisissais de ne plus dormir contre Héole et Pedro dans le garage. Tu préférais la cave. Délaissant les couffins douillets, tu avais trouvé refuge dans une niche.
Jeudi, tu n'est pas monté sur le rebord de fenêtre de la cuisine pour quémander du poulet ou du steak haché. D'habitude tu es là, bousculant Héole, partageant avec Pedro. Les gamelles de croquettes sont remplies constamment, je ne me suis pas inquiétée de ton absence de gourmandise.
Vendredi matin, tu t'es sauvé quand je suis entrée dans la cave, tu as filé derrière mois, je t'ai à peine vu et tu es sorti. Tu m'attendais sous un buisson, je t'ai préparé une gamelle de pâtée, tu t'es levé, je suis rentrée. L'as tu mangée ? Est ce Lancelot ? Je n'ai pas fait attention. Je n'ai rien remarqué d'alarmant sur toi.
Dans la nuit de vendredi à samedi, je me suis réveillée en sursaut en pensant à toi, je sentais que tu n'allais pas bien.
A la première heure samedi matin, je suis allée te chercher dans la cave, j'ai pris l'épuisette de capture. Malheureusement j'ai mal fermé la chatière du garage et tu as encore filé dehors. Tu allais si vite que je t'ai juste entrevu dans les escaliers. J'ai chercher des traces dans la cave pour confirmer mon inquiétude. J'ai vu 5 gouttes de sang rouge devant une niche. C'est tout.
Toute ta journée, j'ai guetté ton retour.
A 17 h, tu dormais profondément dans le garage sur un tapis chauffant. Je t'ai attrapé rapidement avec l'épuisette et je t'ai relâché dans une cage de convalescence.
Une vision d'horreur ! Une chose sanguinolente pointait à la sortie de sa narine droite et surtout un épaississement déformait les sinus entre les yeux. J'ai tout de suite compris.
J'ai la chance d'avoir une vétérinaire extraordinaire qui, bien que la clinique venait de fermer, nous a attendus.
Une fois anesthésié, la vétérinaire a découvert l'étendue de ta tumeur. Ton palais commençait à être déformé, le coin de ton œil était atteint. Elle m'a expliqué que les jours précédents, tu as dû souffrir d'énormes migraines. Cette tumeur a évolué hyper rapidement, tu étais encore très beau, 3 kg 8.
J'ai trouvé ta dernière cachette aujourd'hui en nettoyant. J'ai compris ton dernier jour en découvrant les traces de jetage à l'intérieur. Quelques bouts sanguinolents, trois traces d'éternuements.
Douze chats " libres" de la maison sont morts ces trois dernières années, neuf avaient des cancers très agressifs (bouche, intestin, face). Ces chats sont tous arrivés jeunes chats à la maison, ils étaient stérilisés, identifiés, déparasités régulièrement. Choyés, bien nourris, abrités du froid et des intempéries, ils auraient dû vivre encore longtemps. Des tumeurs cancéreuses les ont tués, ils avaient en moyenne 12 ans.
Souvent c'était hyper rapide. Un changement de comportement m'alertait: un endroit inhabituel pour dormir ou la gamelle de pâtée subitement boudée. Et toujours le même schéma, il faut les piéger, les coincer dans le garage ou la véranda, les attraper avec le moins de stress possible. L'anesthésie chez le vétérinaire permet de les ausculter et de découvrir l'horreur. Je garde en mémoire chaque cas.
Les chats ont une incroyable capacité à encaisser la douleur. Ils donnent le change, mangent, dorment paisiblement au soleil, ronronnent. Et pourtant ils souffrent.
Petit Poilu, tu es parti rejoindre tes copains du jardin et de la maison. Pacha, Luna, Aéla, Sam et Finette, Darwinn, Aélys, Farinelli et Caramel, Leeloo et Bonhomme, Chakira, Mathéo, Ethelle, Janedo, Kirikou, Enjy 1 et 2, Chimène, Baguera, Cinderella,... et tous ceux avant la création de l'association en 2018. Il y a du monde là haut maintenant.
Aout 2021 |
Ici le jardin parait bien vide sans vous tous.